Objecteurs de croissance, ils se présentent aux législatives

Nous reproduisons ci-dessous l'interview réalisée par Marie Lagedamon et publiée dans l'édition de La Voix du Nord du lundi 12 mars 2012, dans la rubrique Les visages de l'actualité

Photo Delphine Pineau - La Voix du Nord

Didier Gayant et Charlotte Albrun souhaitent faire entendre leurs idées et réveiller la conscience sociale du bassin minier.

Comme dans presque toutes les autres circonscriptions du Pas-de-Calais, celles de Lens et Liévin compteront pour la première fois, des candidats du collectif des objecteurs de croissance. Rencontre avec Didier Gayant, 54 ans, gestionnaire du lycée Béhal de Lens et candidat dans la 3e, et Charlotte Albrun, 26 ans, éducatrice à Liévin, candidate dans la 12e.

Quel est le parcours personnel qui vous a conduit jusqu'au mouvement pour la décroissance ?

C. A. : « J'ai commencé en politique avec le NPA (Nouveau parti anticapitaliste). Lors des manifestations pour les retraites, j'ai rencontré des objecteurs de croissance. J'y ai trouvé un espace de réflexion sur la société mais aussi des actions concrètes contre l'ouverture des commerces le dimanche, l'éclairage des vitrines la nuit, la publicité. Les idées des objecteurs sont proches de celles du NPA, mais les objecteurs sont antiproductivistes. »

D. G. : « À 16 ans, j'étais aux Jeunesses communistes. Anticapitaliste convaincu, je suis progressivement venu à la décroissance quand j'ai perdu la conviction que le productivisme était bénéfique. C'est par le biais des manifestations que j'ai rejoint le collectif. »

Vous ne vous revendiquez pas du Parti pour la décroissance (PPLD). Pourquoi ?

D. G. : « Nous ne sommes pas rattachés à l'un des groupes nationaux, nous privilégions un fonctionnement horizontal. C'est pour ça que nous sommes bien un collectif et non un parti. Mais notre symbole est le même : l'escargot, et nous sommes pour la décroissance des biens et des inégalités. »

Quel est votre objectif pour ces législatives, puisque vous ne serez pas élus ?

C. A. : « Nous voulons en faire une tribune, impulser une réflexion, proposer une autre vision de la société. C'est un moyen d'inviter les gens à cheminer avec nous. Nous ne tiendrons pas de meetings, nous ne tracterons pas. Mais une fois par mois, nous irons dans la rue, à la rencontre des habitants. »

Quels thèmes aborderez-vous ?

D. G. : « L'antiproductivisme : selon nous, la course à la croissance accroît les inégalités et épuise la planète. Le revenu minimum inconditionnel, pensé comme un revenu d'existence découplé du travail, une valeur qu'il faut repenser. On voudrait recréer du lien, parler d'indice de bonheur à la place du PIB, de démonétarisation des échanges, de relocalisation et de circuits courts… »

Mais quelle est votre position sur les enjeux de ce territoire, le Louvre-Lens, le tramway, la gestion de l'eau potable ?

C. A. : « Pour nous, le Louvre-Lens ressemble au Grand stade de Lille, c'est un projet démesuré, trop cher, trop prestigieux. Nous ne sommes pas contre l'accès à la culture mais contre cet accès-là. Pourquoi le cinéma Arc-en-Ciel a fermé ? Est-ce normal de devoir aller jusqu'à Bruay pour voir des films d'art et essai ? Une dizaine de structures culturelles décentralisées dans les quartiers auprès des habitants auraient été tout autant valorisantes pour le bassin minier que le Louvre-Lens. »

D. G. : « Sur le tramway, nous sommes pour qu'il irrigue les quartiers et non les centres commerciaux. Nous sommes pour une régie municipale de gestion de l'eau. »

Votre candidature s'ajoute à toutes les autres, avec toujours la menace de l'extrême-droite…

D. G. : « Nous sommes antifascistes, mais ce n'est pas parce qu'il y a une menace qu'il faudrait nous retirer au profit d'un autre candidat. Lequel, d'abord ? Ils sont tous productivistes ! On ne se sent pas gênés de nous présenter, le Front national, ce n'est pas nous qui l'avons créé. »

Et les municipales ?

D. G. : « On y pense, nous espérons avoir un ou deux élus. »